Polynôme caractéristique et valeurs propres

Proposition 22 : Soit λK\lambda \in \mathbb{K}. λ\lambda est une valeur propre de uL(E)u \in \mathcal{L}(E) si, et seulement si, il est racine du polynôme caractéristique de uu. Ainsi : Sp(u)={λK,χu(λ)=0}Sp(u) = \{\lambda \in \mathbb{K}, \chi_u(\lambda) = 0\}. λ\lambda est une valeur propre de AMn(K)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K}) si, et seulement si, il est racine du polynôme caractéristique de AA. Ainsi : Sp(A)={λK,χA(λ)=0}Sp(A) = \{\lambda \in \mathbb{K}, \chi_A(\lambda) = 0\}.

Démonstration :

  • En dimension finie, λ\lambda est valeur propre de uL(E)u \in \mathcal{L}(E) si, et seulement si, uλIdEu - \lambda Id_E n'est pas bijectif, c'est-à-dire si, et seulement si, det(λIdEu)=0det(\lambda Id_E - u) = 0.
  • De même, λ\lambda est valeur propre de AMn(K)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K}) si, et seulement si, AλInA - \lambda I_n n'est pas inversible, c'est-à-dire si, et seulement si, det(λInA)=0det(\lambda I_n - A) = 0.

Remarques :

  • On retrouve le fait que toute matrice de Mn(K)\mathcal{M}_n(\mathbb{K}) et tout endomorphisme d'un K\mathbb{K}-espace vectoriel de dimension nn possèdent au plus nn valeurs propres distinctes.
  • Si K=C\mathbb{K} = \mathbb{C}, alors AMn(C)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{C}) possède au moins une valeur propre, d'après le théorème de d'Alembert-Gauss.
  • Il en est de même pour tout endomorphisme d'un C\mathbb{C}-espace vectoriel de dimension finie.
  • Si K=R\mathbb{K} = \mathbb{R} et si nn est impair, alors AMn(R)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R}) possède au moins une valeur propre réelle (d'après le théorème des valeurs intermédiaires ou le théorème de factorisation des polynômes dans R[X]\mathbb{R}[X]).
  • Il en est de même pour tout endomorphisme d'un R\mathbb{R}-espace vectoriel de dimension impaire.
  • Pour une matrice réelle AMn(R)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{R}), on a : Sp(A)={λR,χA(λ)=0}=SpR(A)Sp(A) = \{\lambda \in \mathbb{R}, \chi_A(\lambda) = 0\} = Sp_{\mathbb{R}}(A) et SpC(A)={λC,χA(λ)=0}Sp_{\mathbb{C}}(A) = \{\lambda \in \mathbb{C}, \chi_A(\lambda) = 0\}.
  • Si FF est un sous-espace vectoriel de EE stable par uL(E)u \in \mathcal{L}(E) et si on note uFu_F l'endomorphisme de FF induit par uu, on retrouve le fait que Sp(uF)Sp(u)Sp(u_F) \subset Sp(u) car χuF\chi_{u_F} divise χu\chi_u.

Corollaire 23 : Si AMn(K)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K}) est une matrice triangulaire de diagonale (a1,,an)(a_1, \ldots, a_n), alors Sp(A)={a1,,an}Sp(A) = \{a_1, \ldots, a_n\}.

Définition 6 : On appelle multiplicité d'une valeur propre λ\lambda de uL(E)u \in \mathcal{L}(E) (resp. de AMn(K)A \in \mathcal{M}_n(\mathbb{K})) son ordre de multiplicité comme racine du polynôme caractéristique χu\chi_u (resp. χA\chi_A). Dans ce cours, nous noterons m(λ)m(\lambda) la multiplicité de λ\lambda.

Remarque :

  • En particulier, une valeur propre est dite simple, double, triple... si c'est une racine simple, double, triple... du polynôme caractéristique.

Dans certaines raisonnements, il peut être pratique de poser m(λ)=0m(\lambda) = 0 pour traduire qu'un certain scalaire λ\lambda n'est pas valeur propre.

Corollaire 24 :

  • Deux matrices carrées semblables ont les mêmes valeurs propres avec mêmes multiplicités.
  • Une matrice carrée et sa transposée ont les mêmes valeurs propres avec mêmes multiplicités.

Proposition 25 : Soit AMn(R)A \in M_n(\mathbb{R}). Si λSpC(A)\lambda \in Sp_C(A), alors m(λ)=m(λ)m(\overline{\lambda}) = m(\lambda).

Démonstration : Si λR\lambda \in \mathbb{R}, c'est immédiat car λ=λ\overline{\lambda} = \lambda. Sinon, d'après les propriétés des racines non réelles d'un polynôme réel, λ\lambda et λ\overline{\lambda} ont la même multiplicité car χAR[X]\chi_A \in \mathbb{R}[X].

Proposition 26 :

  • Soit uL(E)u \in \mathcal{L}(E). Pour tout λSp(u)\lambda \in Sp(u), on a : 1dimEλ(u)m(λ)1 \le \dim E_\lambda(u) \le m(\lambda).
  • Soit AMn(K)A \in M_n(\mathbb{K}). Pour tout λSp(A)\lambda \in Sp(A), on a : 1dimEλ(A)m(λ)1 \le \dim E_\lambda(A) \le m(\lambda).

Démonstration :

  • Soit λSp(u)\lambda \in Sp(u). Ainsi Eλ(u){0E}E_\lambda(u) \ne \{0_E\} donc dimEλ(u)1\dim E_\lambda(u) \ge 1. De plus, Eλ(u)E_\lambda(u) est stable par uu et l'endomorphisme de Eλ(u)E_\lambda(u) induit par uu est l'homothétie de rapport λ\lambda. Son polynôme caractéristique est donc (Xλ)p(λ)(X-\lambda)^{p(\lambda)}, où p(λ)=dim(Eλ(u))p(\lambda) = \dim(E_\lambda(u)), et divise le polynôme caractéristique de uu. On en déduit que la multiplicité m(λ)m(\lambda) de la racine λ\lambda de χu\chi_u est au moins égale à p(λ)p(\lambda). Donc p(λ)=dim(Eλ(u))m(λ)p(\lambda) = \dim(E_\lambda(u)) \le m(\lambda).
  • Le résultat s'adapte immédiatement aux matrices de Mn(K)M_n(\mathbb{K}) en utilisant l'endomorphisme de Kn\mathbb{K}^n canoniquement associé.

Corollaire 27 :

  • Si λ\lambda est une valeur propre simple de uL(E)u \in \mathcal{L}(E), alors dimEλ(u)=1\dim E_\lambda(u) = 1.
  • Si λ\lambda est une valeur propre simple de AMn(K)A \in M_n(\mathbb{K}), alors dimEλ(A)=1\dim E_\lambda(A) = 1.

Proposition 28 :

  • Soit AMn(K)A \in M_n(\mathbb{K}). Si χA(X)=i=1n(Xαi)\chi_A(X) = \prod_{i=1}^n (X-\alpha_i) est scindé sur K\mathbb{K}, alors : Sp(A)={α1,,αn}Sp(A) = \{\alpha_1, \dots, \alpha_n\}, tr(A)=i=1nαi\mathrm{tr}(A) = \sum_{i=1}^n \alpha_i et det(A)=i=1nαi\det(A) = \prod_{i=1}^n \alpha_i.
  • Soit uL(E)u \in \mathcal{L}(E). Si χu(X)=i=1n(Xαi)\chi_u(X) = \prod_{i=1}^n (X-\alpha_i) est scindé sur K\mathbb{K}, alors : Sp(u)={α1,,αn}Sp(u) = \{\alpha_1, \dots, \alpha_n\}, tr(u)=i=1nαi\mathrm{tr}(u) = \sum_{i=1}^n \alpha_i et det(u)=i=1nαi\det(u) = \prod_{i=1}^n \alpha_i.

Démonstration :

C'est une conséquence des relations racines-coefficients d'un polynôme scindé, ce qui donne ici, en notant aia_i le coefficient de degré ii du polynôme caractéristique :

i=1nλi=an1aneti=1nλi=(1)na0an\sum_{i=1}^{n} \lambda_{i} = -\frac{a_{n-1}}{a_{n}} \quad \text{et} \quad \prod_{i=1}^{n} \lambda_{i} = (-1)^{n} \frac{a_{0}}{a_{n}}

et on sait que an=1,an1=tr(A) et a0=(1)ndet(A)a_n = 1, a_{n-1} = -\text{tr}(A) \text{ et } a_0 = (-1)^n \det(A).

Exercises